
Nous avons mis des mois à organiser ce tour du monde autour de la pratique sportive. Terriblement convaincus par le bien fondé de notre périple, déterminés à le mener jusqu‘au bout malgré les difficultés rencontrées, nous étions loin de nous imaginer qu’une pandémie mondiale freinerait nos élans.
Je ne pense pas qu’on ait parlé une fois de corona virus au Brésil, nous étions concentrés sur l’état de notre équipe et l’ampleur du projet que l’on voulait si bien réaliser. L’épidémie restait en Chine, nous avions vu quelques voyageurs masqués à l’aéroport. Mais les enfants, régulièrement sur les réseaux sociaux, ont commencé à poser des questions et à suivre l’évolution de l’épidémie dans le monde. Lors de notre séjour au Pérou, nous ne nous sommes pas interrogés sur la remise en cause de notre projet, persuadés que lorsque nous aborderions l’Asie (mi avril), l’épidémie serait enrayée. Par contre les enfants commençaient à stresser devant les chiffres annoncés un peu partout dans le monde. Nous les avons rassurés, le corona virus n’était pas au Pérou et encore moins à Los Angeles ou Hawaï…
Et puis des décisions politiques, sportives ont commencé à nous inquiéter et à nous donner des indices sur l’ampleur du problème : report des championnats du monde en salle d’athlétisme, annulation d’une compétition de natation internationale organisée par le Lycée Condorcet, le lycée français de Sydney, et à laquelle je m’étais engagé d’assister au côté de Solenne Figues, médaillée olympique en natation.
C’est à l’aéroport de Lima et dans le vol vers Los Angeles que nous avons vu non seulement des chinois masqués mais aussi des sud-américains, et européens… Cela a fait peur aux enfants, pour eux cela voulait dire qu’ils étaient atteints du corona virus. Instinctivement on avait tendance à s’éloigner d’eux. C’est étrange cette réaction primaire de suspecter toute une population qui semblait encore alors seule concernée par ce virus. A Los Angeles puis sur la côte ouest californienne, rien ne laissait présager la moindre inquiétude…on se baladait avec insouscience sous les palmiers, Universal Studio et Hollywood boulevard fourmillaientnt…on a fait du skate et du surf sans se soucier d’une quelconque distance de sécurité. Mais à la fin du séjour on entend parler du bateau de croisière arrivant sur les côtes californienne et bloqué au port car des passagers sont porteurs du virus. L’Etat d’urgence est déclarée par Trump. Nous finissons pourtant notre séjour californien tranquillement installés dans les tribunes d’un superbe et immense stadium pour assister à une étape du circuit mondial de Rugby à 7 dans lequel les français et les australiens que nous prévoyons de rencontrer prochainement jouent
A Hawaï, on suit de très près la situation qui s’aggrave en France, par les réseaux sociaux et en échangeant avec nos familles et amis. Les enfants regardent tous les jours les chiffres s’alourdir, Titouan semble très inquiet, s’informe et nous en parle sans arrêt. Mais les plages, le surf, la douceur de vivre sur cette île où seulement deux cas sont recensés (assez curieux au regard du nombre de touristes à Honolulu) nous permet de vivre sans trop de stress. Tout est si beau mais l’actualité nous rattrape.
En 15 jours sur l’île, les évènements se sont précipités et les informations ont été de plus en plus précises, rattrapant notre doux quotidien et nous causant quelques stress pour un simple mal de gorge. Nous suivons attentivement ce qui se passe dans les autres pays et notamment ceux où nous avons prévus de nous rendre prochainement. Les frontières ferment les unes après les autres, les familles de français autour du monde présents en Thailande, au Vietnam, au Laos et Cambodge sont regardés comme des pestiférés, les hôtels ferment et les mettent à la porte…
La question du maintient des Jeux Olympiques est posée depuis le début de l’épidémie. Le CIO s’oppose au report et n’en démord pas. Arrêter cette énorme machine qu’est l’organisation d’un tel évènement est-il possible ? Moi je n’y crois pas une seconde. Avec optimisme je pense clairement que l’épidémie ne sera pas une pandémie et quand bien même d’ici fin juillet tout sera terminé !
Notre vol Sydney Hong Kong du 21 avril est annulé, qu’à cela ne tienne on le modifie. Du fin fond de la pointe ouest de Ohau, où il n’y a quasiment aucun touriste, on est encore loin de s’imaginer de la déferlante, notamment en France. Nous apprenons alors que les vols Europe USA sont annulés. Nos comportements changent : lors de notre rencontre avec Brian Keaulanu, on lui serre la main pour le saluer. On aurai peut-être pas dû ?
Nous guettons de temps à autre les infos du gouvernement australien pour notre prochaine destination . Rien pour l’instant. Mais cela sent le roussi…On se dit qu’on devrait peut-être rester à Hawaii plus longtemps que prévu, le temps d’y voir plus clair pour la suite du voyage. A 200€ la nuit + 4 dollars la livre de pâtes, cela va être compliqué. Les frontières vers l’Australie sont encore ouvertes et notre vol n’est pas annulé. Mais tout va si vite dans chaque pays du monde.
Quelques jours avant de partir, nous apprenons que l’Australie décide de confiner tout arrivant sur le territoire quelque soit sa nationalité, pendant 14 jours. Nous cherchons vite une maison à louer où nous serons confortables pendant toute cette période, loin de la ville et des gens. C’est là que nous avons commencé à ressentir un étrange sentiment jusque là inconnu : la méfiance et la défiance et de l’autre … de nos propres pairs, de notre propre espèce.
En France, le confinement a commencé, les enfants ne vont plus à l’école, on rigole encore sur les réseaux sociaux de la difficulté de faire l’école aux enfants quand tu dois toi-même faire du télé travail, de la possibilité de les enfermer ou de les ligoter parce que dans trois jours on les supportera plus et on bénie l’éducation nationale.
Les deux derniers jours à Honolulu sous la pluie nous montrent qu’à Hawaï personne n’a encore pris la mesure de la virulence du virus et des comportement à adopter. C’est la ST Patrick et tout le monde fête cela dignement dans les bars. Nous qui avons des nouvelles alarmantes de France, nous stressons quand même mais nous sentons privilégiés ici où le risque semble moindre au regard du nombre de cas recencés. En fait, nous sommes un peu perdus entre l’énorme prise de conscience en France et l’insouciance à Waikiki
Même si tous nos plans australiens tombent à l’eau (Plus question de rencontrer l’équipe d’Australie de Rugby à XVII qui ne veut prendre aucun risque, ni même Jessica Fox, championne de Kayak d’Australie), nous prenons l’avion pour Sydney avec dans nos bagages quelques rouleaux de papier toilette honteusement volés à l’hotel de Waikiki (Hawaï et l’Australie sont touchés par le même virus « la peur de manquer de PQ » donc il n’y en a plus dans les supermarchés). Ce confinement nous permettra de finir nos montages vidéos, aux enfants de travailler avec le CNED et de se poser un peu. Et surement de repartir avec un regard nouveau, une manière différente de vivre l’aventure et les rencontres car il n’y a plus de plan. Même pas un plan B !
L’aéroport d’Honolulu est désert ce matin du 18 mars. Notre vol est néanmoins plein. L’hôtesse nous dit que tout le monde rentre chez soi. Et là, ça fait bizarre d’être à contre-courant. Nous ne rentrons pas chez nous mais nous en éloignons encore un peu plus ! Que va devenir sportifs du monde ? Irons-nous jusqu’aux JO ?
En arrivant sur le sol australien on apprend que le pays fermera ses frontières le lendemain. On dit OUF mais le lendemain on doute. L’ambassade australienne préconise à tous les touristes français de rentrer en France. Doit-on rentrer ? La France est très touchée, les pics ne sont pas encore atteints dans certaines villes, les confinements vont durer, et les trafics aériens favorisent la propagation du virus. Rentrer semble être de se jeter dans la gueule du loup. Mais nous ne savons absolument pas les mesures que l’Australie prendra pour sa population dans les prochains jours. Peut-être devrons nous être confinés un mois, deux mois. Nous n’en savons rien et les vols vers la France vont cesser.